Un évènement important a lieu tous les seconds dimanches de juillet à Locronan, il s'agit de la Troménie.
La Troménie, TRO MINIHI signifie le tour de la propriété monastique, de l'espace sacré. Tous les six ans, la grande Troménie, d'une longueur de 12 km, s'effectue pendant toute une semaine. Cette année, c'était la petite (5 km), elle ne se fait qu'une seule fois le dimanche. Cette procession est en l'honneur de saint Ronan, le saint fondateur de Loc Ronan et aussi le saint patron des tisserands. C'est grâce à son culte, aux nombreux pèlerins et aux largesses des ducs de Bretagne que pu se créer l'activité de toile à voile qui fit la richesse de la ville du XV ème siècle au début du XVIII ème siècle.
Voici sa légende :
Saint Ronan serait venu d’Irlande, où d’après la tradition populaire il était évêque, aux VIIe ou VIIIe siècles.
Guidé sur les flots par un ange, il a navigué sur une embarcation en pierre. Son premier arrêt fut à Saint-Renan dans le Léon. Il y construisit un ermitage, son renom grandit très rapidement. Mais fatigué de l’affluence des visiteurs, il décida de se retirer en un lieu plus reculé. Ce qui le fit arriver dans la forêt du Névet, au lieu où se dresse aujourd’hui le bourg de Locronan.
Là, il fit la connaissance d’un paysan qui l’aida à l’édification de sa cellule. Une grande amitié s’installa entre les deux hommes. Saint Ronan l’instruisit aux messages de la nouvelle religion dont il était porteur. Mais cette relation n’était pas du goût de sa femme, la Keben qui voyait son mari la délaisser de plus en plus. Les travaux des champs s’en ressentaient. Fort de son bon droit elle interdit à son mari de fréquenter cet homme qui l’éloignait de ses devoirs.
Un jour, une brebis du troupeau fut capturée par un loup. Le paysan se rappelant son ami Ronan alla le trouver. Ronan, ému par sa détresse, fit une prière et le loup ramena la brebis vivante. Le paysan heureux du miracle, et émerveillé du pouvoir de Ronan et de son dieu, se fit immédiatement baptiser. Ceci ne fut pas du tout du goût de sa femme, qui se mit dans une colère folle.
Après cet événement, la réputation du saint homme grandit dans la région. Les malades accouraient de toutes parts en espérant la guérison. Tous ces évènements ne firent qu'accentuer la rage de la mégère. Elle accusa l’ermite d’être un sorcier : tous ces miracles seraient dus à la magie pour prendre possession des âmes de ces malheureux. Elle raconta qu’il pouvait de surcroît se transformer en loup, il serait loup-garou. Elle donna pour preuve la disparition de sa fille depuis plusieurs jours. Elle avait vu Ronan rôder près de sa maison, c’est donc lui, changé en loup, qui l’aurait dévorée. Sa douleur était si grande, ses cris si perçants, qu'ils arrivèrent aux oreilles du roi Gradlon. Il ne resta pas insensible aux malheurs de l’infortunée, qui après avoir perdu son mari, perdait aussi son seul enfant. En plus, il ne pouvait pas laisser errer dans son pays un personnage aussi terrible, avec des pouvoirs aussi grands. Il fit donc arrêter Ronan, le fit emmener devant lui sous bonne garde, et là, pour faire éclater la vérité, lâcha sur lui deux dogues féroces. Mais au lieu d’attaquer et de dévorer l’anachorète, ils devinrent doux comme des agneaux, au seul signe de la Croix. Gradlon, impressionné par ce prodige, fit comparaître devant lui Ronan. Ayant un doute sur sa culpabilité, il lui demanda où se trouvait la petite fille. Là, Ronan, lui dévoila le complot diabolique qui avait germé dans le cerveau tourmenté de la pauvre femme. Elle avait enfermé sa fille dans un coffre. Mais, ce n’était pas une mauvaise mère car elle lui avait laissé de quoi se nourrir. Une fois débarrassée de Ronan, elle aurait pu la libérer, sa vie aurait alors retrouvé son cours normal, d’avant la venue du saint. Ronan fit chercher le coffre caché sous un tas de paille au logis de Keben. Il l’ouvrit devant Gradlon ; Oh stupeur ! la petite était morte étouffée. Ronan la prit en pitié et la ressuscita. Il fit aussi en sorte que sa mère, la Keben, ne soit pas ennuyée par la population prête à la lapider. Après ces évènements, la vie de Ronan, en ces lieux, ne retrouva pas sa tranquillité, entre ceux qui venaient le voir pour obtenir guérison, et les calomnies de Keben l’accusant d’avoir essayé d’abuser d’elle.
Fatigué, le saint alla se réfugier à Hillion près de Saint Brieuc. Là bas il mourut.
Les diocèses de Quimper, Léon et Saint Brieuc se disputèrent sa dépouille. Avoir la sépulture d’un si grand saint sur ses terres était source de grands bienfaits. Aucun n’arrivait à se mettre d’accord, car ils voulaient garder le corps en entier. Enfin le seigneur de Cornouaille eut l’idée : que le saint soit mis sur une charrette tirée par des bœufs sauvages. Les bœufs s’arrêterons là où Ronan désirera avoir sépulture. Ils se mirent donc à suivre le corps. Les bœufs les conduisirent tout droit à son ancien ermitage du Névet. Sur le chemin, ils rencontrèrent la Kében lavant son linge. La pauvre femme fut excédée de voir son ennemi revenir même après sa mort. Le sang lui monta à la tête, ni une, ni deux, elle prit son battoir. Tapa si fort, qu’une des cornes se détacha et tomba ensuite au sommet de la montagne, au lieu dit « Plas ar Horn », c’est à dire « Le lieu de la corne ». Alors qu’elle continuait de les poursuivre de sa haine, la terre s’ouvrit sous elle, et elle fut engloutie en un lieu où une croix fut érigée. Devant cette croix, aucun breton ne se signa jamais, ce lieu est maudit par la mémoire la méchante femme. Puis, le convoi continua sa route et vint s’arrêter, là, où se dressait l’ermitage de Ronan.
La « vita Ronani » a dû être rédigée dans les années 1159 – 1167 ou vers 1219 au moment du transfert des reliques du saint de Locronan vers la cathédrale de Quimper. Deux côtes, seulement, sont restées à Locronan. La possession de reliques d’un saint si populaire était le gage de l’afflux des pèlerins et l’accroissement de son influence.
Cette légende, en fait, nous présente de façon imagée, la lutte entre l’ancienne tradition païenne, et la nouvelle religion chrétienne. L’une est représentée par Saint Ronan, et l’autre par la Keben.